Interview de Ludovic Rondini – 3 questions sur le végétarisme

Alimentation - Bien vieillir - Posté le mercredi 10 avril 2019

Interview

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Le végétarisme en 3 questions à Ludovic Rondini, docteur en nutrition.

En France, le végétarisme (personne se déclarant comme excluant au minimum la viande) représente 1,8% des adultes de 18 à 79 ans[1]. Après la viande, ce sont les produits de la mer qui sont majoritairement exclus de l’alimentation :  33% des végétariens déclarent ne pas en consommer. Viennent ensuite les œufs exclus par 22% des végétariens puis les produits laitiers (15%) et enfin le miel (9,2%). Enfin, 4,9% des végétariens excluent à la fois la viande, le poisson, les œufs et les produits laitiers de leur alimentation, soit moins de 0,1% de la population française.

Les régimes sans viande, sont-ils dangereux pour la santé ?

Même si l’Homme est omnivore, ce qui signifie qu’il doit consommer des aliments de toutes sortes pour couvrir ses besoins nutritionnels, la viande n’est pas la seule source protéine de son alimentation. En effet, les sous-produits animaux tels que les œufs, les produits laitiers (dont le fromage), le poisson et des produits d’origine végétale tels que les légumineuses (soja,  lentilles, pois…) peuvent sans aucun problème compenser l’absence de viande.

Cependant, si l’absence de viande ne pose aucun problème nutritionnel majeur, l’exclusion d’autres produits ou sous-produits animaux peut engendrer divers problèmes :

  • La suppression du poisson ne permet plus d’apporter de l’EPA ( acide eicosapentaénoique)et du DHA (acides docosahexaénoique), des acides gras de la famille des oméga 3 très importants pour le cerveau et le système immunitaire. L’ANSES recommande d’ailleurs de consommer au minium 250 mg de DHA par jour chez une personne en bonne santé et 500 à 750 mg d’EPA + DHA chez une personne présentant un risque cardiovasculaire élevé,  de cancer du sein ou du colon, des maladies neuro-psychiatriques ou des maladies oculaires telles que la dégénérescence maculaire liée à l’âge[2].
  • La suppression des produits tels que les œufs et le formage rend plus difficile la couverture des besoins en acides aminés. Les acides aminés sont les briques permettant de fabriquer des protéines. Or, certains d’entre eux sont dits « essentiels » ce qui signifie qu’il faut impérativement les apporter dans notre alimentation car notre organisme ne peut pas les fabriquer. On peut néanmoins trouver ces acides aminés essentiels dans les légumineuses et les céréales.
  • La suppression de tous les produits d’origine animale peut engendrer des carences micronutritionnelles. Les micronutriments les plus fréquemment déficient sont la vitamine B12, le sélénium ou encore le fer.

De manière générale, le suivi d’un régime végétarien (sans viande ni poisson) ou végétalien (sans aucun produit d’origine animale) nécessite une vigilance d’autant plus importante que le nombre d’aliments supprimés est important. Attention également aux personnes fragiles (convalescentes, exposées à la maladie, âgée) chez qui l’apport de protéines et indispensable pour assurer un processus de guérison et le bon fonctionnement de l’organisme.

Quels sont les bénéfices de ces régimes ?

Les personnes qui suivent des régimes végétariens et végétaliens ont des apports en fruits et en légumes supérieurs à la moyenne. Or, les végétaux sont généralement peu denses en calories et très riches en micronutriments (vitamines, minéraux, oligo-éléments, antioxydants, fibres…). De ce fait, leur statut nutritionnel est souvent meilleur (à l’exception de quelques nutriments précédemment abordés comme le fer ou la vitamine B12).

Par ailleurs, la diminution voire l’absence de consommation de protéines animales facilite le travail du foie et du pancréas. Le confort digestif post-prandial se trouve alors amélioré tout comme le risque de stéatose hépatique (développement d’un foie gras).

Les végétaux apportent beaucoup de fibres (ce que ne contiennent pas les produits d’origine animale). Ces fibres ont de nombreuses propriétés telles que :

  • La facilitation du transit ;
  • La régulation de la glycémie post-prandiale et donc la diminution des probabilités de développer un diabète de type 2 ;
  • La diminution de la cholestérolémie.

Mais l’effet le plus intéressant, lié à l’augmentation de la consommation de fibres et à la diminution de la consommation de protéines animales, reste l’effet sur le microbiote intestinal. On appelle microbiote intestinal l’ensemble des micro-organismes qui colonisent notre tractus digestif. Or, les fibres sont en effet très bénéfiques sur ce dernier : elles favorisent des bactéries bonnes pour notre organisme en induisant une meilleure tolérance immunitaire et en diminuant le risque de cancer du côlon. Cela grâce à la production d’acides gras protecteurs tels que l’acide butyrique. A contrario, les protéines et les graisses animales favorisent des bactéries générant des composés mal odorant et toxiques pour notre organisme tels que la putrescine ou la cadavérine.

Quels conseils donneriez-vous à ceux qui voudraient l’adopter ?

Si nous parlons d’un régime sans viande, il n’y a pas de précautions particulières à prendre.

En revanche, si le poisson est également supprimé, il faut veiller à optimiser l’apport en oméga 3, d’une part par la consommation d’huiles végétales riches en oméga 3 (colza, cameline, noix…) d’autre part par la consommation de fruits à coques. Enfin, il est toujours possible de se supplémenter, le DHA étant également présent dans une algue appelée Schizochytrium que certaines marques de compléments alimentaires proposent.

Si tous les produits animaux sont supprimés, alors il faut être particulièrement vigilant sur la couverture des besoins en acides aminés et donc sur la consommation quotidienne de légumineuses ou de pseudo-céréales telles que le quinoa.

Enfin, il est important de se faire accompagner par un micro-nutritionniste lors des périodes de la vie où le statut nutritionnel est primordial : grossesse, allaitement, vieillesse, maladie, croissance. Rappelons d’ailleurs que certains pays condamnent les parents qui font suivre aux enfants de moins de 12 ans un régime « vegan ».
Un certain nombre de dosage biologiques (ferritine, vitamine B12, profils en acides gras érythrocytaires…) permettent de savoir si des déficiences sont présentes, et une adaptation du régime alimentaire est nécessaire.

[1]Étude individuelle nationale des consommations alimentaires 3 (INCA 3), Avis de l’Anses, Rapport d’expertise collective, Juin 2017
[2]Actualisation des Apports Nutritionnels Conseillés pour les acides gras, Agence nationale de sécurité sanitaire de l‘alimentation de l‘environnement et du travail, Mai 2011.

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